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RAP ET INDUSTRIE MUSICALE AU BURKINA FASO

Un reportage de 13 min avec des extraits d’entretiens réalisés avec plusieurs rappeurs et beatmakers de Ouagadougou en décembre 2018 et des extraits de clips. Par Anna Cuomo.

Le monde du rap au Burkina Faso

Je me suis intéressée à ce sujet depuis 2010, d’abord dans le cadre d’un master puis d’une thèse en anthropologie à l’EHESS Paris. Ma thèse interroge les conditions d’accès à la reconnaissance des rappeurs burkinabè engagés dans une carrière professionnelle, localement et à une échelle internationale. Je montre qu’authenticité et globalisation fonctionnent ensemble. J’ai appelé ces processus créatifs des « créations-monde », en référence à Edouard Glissant.

S’exposer aux regards de ceux sur qui on a enquêté et écrit, surtout dans un contexte historique marqué par des relations de domination et d’exploitation, permet d’assumer sa responsabilité d’auteur.

Ecrire est un pouvoir. Il faut donc l’assumer, prendre la mesure que l’on écrit sur des personnes vivantes, qui ont leur mot à dire.

Officiellement, les « résultats » sont exposés lors de la soutenance de thèse, publique, certes, mais à Paris. Très vite, mon urgence intérieure était de retourner à Ouagadougou pour y présenter mon travail. J’ai organisé deux conférences publiques, l’une à l’Institut de Recherche pour le Développement et l’autre à l’Université Ouaga-1, devant des étudiants, chercheurs, mais aussi et surtout devant les rappeurs et acteurs culturels qui ont permis la réalisation de cette thèse.

Ces 400 pages écrites pendant 6 ans seront peu lues. Comment rendre ce contenu plus accessible ? C’est ainsi que l’idée est née pour ce reportage vidéo.

La diffusion de ce travail regroupe trois objectifs principaux :

  • Mettre en lumière une diversité de paroles et de positionnements au sein d’un même monde social sans les hiérarchiser (l’anthropologue n’est pas là pour statuer sur qui a tort ou a raison),
  • Donner à voir la matière première de l’anthropologue : la construction d’une relation de confiance entre le chercheur et les personnes rencontrées,
  • Valoriser les expériences humaines et la diversité des positionnements non pas comme un problème : unité et cohésion fonctionnent avec différence et singularité (principe de dualité).

Le foisonnement d’interviews que certains rappeurs donnent aux médias locaux et internationaux examinées pour mes recherches m’ont donné envie d’essayer de les filmer avec ce regard anthropologique, sans volonté de promotion, dans une volonté de comprendre la démarche de la personne inscrite dans un contexte social, économique, culturel, politique et historique.

Revenir à la simplicité, écouter réellement ce que chacun a à dire au-delà d’une stratégie marketing, permet de mieux se comprendre. Reconnaître la singularité de l’autre, c’est finalement ce qui nous unit.

L’anthropologie ne se destine pas simplement à être une discipline universitaire. Elle peut apporter une connaissance profonde grâce à ses méthodes d’enquête. C’est à l’anthropologue de sortir de son confort universitaire pour apporter son regard et collaborer avec d’autres (médias, promotion et direction artistique, documentaires, pédagogie, …). D’innombrables possibilités s’ouvrent et le meilleur reste donc à venir.

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